En vérité, nous ne savons pas réellement si c’est une petite fille…

Nous savons simplement que c’est une créature frêle qui se promène seule la nuit du 31 octobre.
Elle a été aperçue très rarement. Certains pensent même que c’est une illusion, un spectre ou une petite dame blanche.
Son apparition est aussi fugace qu'un rêve.

Une nuit sans lune, je suis allée vers elle.
Même en marchant à pas feutrés j’avais l’impression qu'ils étaient trop lourds et qu’elle finirait par s’évaporer.
En cet instant-là, la lune semblait descendre du ciel.

La créature entra progressivement dans l’eau d’un étang alors que la nuit l’enveloppait de son manteau noir.
La fraicheur de la soirée et l'eau gelée de l'étang ne semblaient pas l'affecter.
Je compris pourquoi nous l’avions si souvent comparée à un fantôme.
Son visage n’avait aucune expression. Rien d’effrayant. Il dégageait plutôt une aura paisible.

Le clapotis de l’eau la fit sortir de sa léthargie.
Nuls crapauds plongeurs, ni même d’oiseux chapardeurs n’avaient troublé le songe de cette beauté funeste. C’était en réalité des flammes vacillantes qui perçaient la surface de l’eau et laissaient apparaître des bougies.

Lecteur, crois-en mes récits et tiens le toi pour dit ! L’étrange n’est pas toujours une rêverie…
Je sais ce que j’ai vu.
Les bougies sortaient des abysses de l’étang et lévitaient jusqu’à réchauffer les étoiles de leurs flammes diaphanes.
Avant d’atteindre les cieux, elles passèrent entre les longs cheveux de la petite fille lunaire, illuminant sa chevelure argentée.

L’atmosphère redevenait de plus en plus légère.
Je compris alors que sa chevelure était un voile et que les bougies le déchiraient pour passer de l’autre côté.

Avec lenteur, l'une des bougies se dirigea vers moi et c’est en touchant la cire fondue que je compris.

En l’espace d’un instant, je parcourus tous les moments joyeux que j’avais vécus auprès de ma défunte grand-mère.
Je sentis l'odeur de son fameux riz au lait, je vis son large sourire réchauffer mon cœur, j’entendis sa voix rassurante.
Tout me revint comme si elle était encore avec moi.

Quelques larmes d'une douce nostalgie roulaient sur mes joues. Un peu troublée je relevai la tête pour d'un dernier regard saluer l’étrange fillette. Mais elle avait disparu, laissant dans son sillage un parfum de cire fondue...